lundi 12 octobre 2015

Femme du Monde.




Je suis une femme moderne. Je manie l'art du savoir vivre avec élégance. Je suis plutôt polie et je souris machinalement, ce sourire dont je n'ai plus conscience tant il est mécanique. Je vais bien? Bien sûr je vais bien, comment ne pas aller bien? Pourquoi j'irai mal? Ne-vis je pas le rêve occidental? Métro boulot dodo. Ne-suis je pas assez stressée pour en oublier de manger? N'ouvres-je pas mon courrier avec la peur au ventre tous les jours? Bien sûr je suis heureuse.

Je manie quelques langues étrangères à mes ancêtres. Il paraît que c'est la base de la communication de nos jours. Je communique. Mais communiques-je? Je parle de mes problèmes avec des parfaits inconnus, je livre ma vie. La vie en apparence. C'est ce qui compte, ce qu'ils voient quand ils te regardent, ce qu'ils pensent quand ils te lisent. L'obsession d'être ordinairement exceptionnelle, de rentrer dans la case tout en étant convaincue d'être en dehors.

En même temps ne suis-je pas spéciale? Unique dans mon genre. Qui se soucie que tous les matins je lutte avec l'envie de dire "à quoi bon la vie? Quel est le but de tout ça?". Ne suis-je pas spéciale? Je suis une africaine en Europe, je suis intégrée. Oui intégrée on dit. On peut aussi appeler "perdre une partie de son âme chaque jour" mais ce serait moins joli, moins glorifiant. Je me rappelle d'où je viens mais je ne sais pas vraiment où je vais. Je suis le mouvement. Je suis une femme libre je tiens tête aux hommes et ne me laissent pas dicter ma conduite. But wait...ça c'est aussi un standard. Suis-je libre? Bien sûr car j'ai le choix. Le choix de quoi au juste?

Je suis éduquée. Je discute culture, art, musique livres sans trop de mal. Je m'intéresse bien sûr à la politique. Je suis une femme du monde. Je lis les journaux.  Je suis bonne en cuisine et dans la chambre. Ou pas? Je jongle entre maîtresse, maman, et amie. À tout vouloir, j'ai peur de ne rien maîtriser. Mais je garde le cap quitte à en perdre la raison.

Je suis un fantasme pour beaucoup et en même temps leur pire cauchemar. Souvent je suis l'accélérateur mais je deviens vite le frein.

Je carbure à l'adrénaline, je ne suis que contradictions, je suis prisonnière de mon époque. Je suis une femme moderne.



Clo

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